Rodion Nikitins est un artiste de cirque d’origine lettone qui a traversé les années de guerre en travaillant dans différents cirques en Lettonie, Allemagne et dans la Prague allemande. Dans un texte autobiographique intitulé Of Flight and Freedom et publié en 1987, Nikitins reconnaît que son travail d’artiste pendant la guerre lui a offert plus d’opportunités et de choix qu’à n’importe quel autre membre de sa famille ou ami en Lettonie.
Lorsqu’en 1940, les troupes soviétiques ont commencé l’occupation de la Lettonie, Nikitins se produisait dans le cirque Salamonski à Riga. Du fait que les Soviétiques considéraient le travail des artistes comme de première importance pour le moral des civils, ceux-là ont continué de travailler pendant toute la durée de la guerre. Les Soviétiques ont également imposé que le cirque présente un nouveau spectacle chaque mois. Ainsi, du fait de la constante pression exercée pour produire de nouveaux spectacles, Nikitins a remarqué qu’il était plus facile d’obtenir des équipements nécessaires aux productions. Dans le même temps, de nombreux citoyens et citoyennes des États Baltes ont purement et simplement disparu.
Le 22 juin 1941, l’armée allemande a commencé l’invasion du territoire soviétique et la Lettonie a été totalement occupée à partir du 10 juillet 1941. Les nouveaux occupants ont ordonné de changer la programmation du cirque, mais, tout comme les Soviétiques avant eux, ils ont insisté pour que le cirque continue de se produite. Le caractère liminaire de la guerre a permis à Nikitis et son partenaire Koni de prendre davantage de risques dans la réalisation de leurs numéros acrobatiques. Après avoir assisté à l’un de leur risqué et spectaculaire numéro, un membre en uniforme du parti nazi est monté sur scène et a déclaré : « Quel final ! Tant que nous aurons des hommes comme vous, nous ne pourrons perdre la guerre ! ».
Alors que la position de l’armée allemande se fragilisait, Nikitis a craint d’être mobilisé pour se battre contre l’Armée rouge. À ce moment-là, il a décidé d’user de son statut d’artiste pour fuir en
Allemagne. Il a également sauvé son frère Leo en imposant que son nom soit sur le contrat en tant qu’assistant. Afin de mieux justifier la présence de son frère sur scène, il a décidé de créer un numéro comique d’acrobatie avec lui.
Nikitis s’est produit à Berlin, Magdeburg et Hambourg. Au cours d’une de ces terribles nuits de raid aérien au-dessus du ciel d’Hambourg, le théâtre dans lequel il se trouvait a été touché. Le numéro de Nikitis était le dernier du programme, et il avait laissé son fil sur la scène nouvellement renforcée. Miraculeusement, le fil de Nikitins est resté intact, mais le théâtre et tous ses murs se sont effondrés autour de lui. Nikitins savait qu’il n’aurait jamais pu acheter de nouveaux câbles pour remplacer son équipement.
Lorsque les raids aériens des Alliés au-dessus des villes allemandes se sont intensifiés, Nikitis a décidé de se produire dans la Prague sous occupation allemande. Après l’effondrement du régime nazi au cours du printemps 1945, Nikitis et d’autres artistes internationaux ont été installés dans une ancienne école et placé sous surveillance tchèque. C’est là qu’il a offert du feu à un prisonnier allemand pour allumer une cigarette, un geste que les gardes tchèques ont vu d’un mauvais œil, ce qui a valu à Nikitis de risquer l’exécution pour sympathie avec l’ennemi. Peu après être entré dans la zone d’occupation américaine, Nikitis a pu trouver du travail pour divertir les troupes américaines cantonnées à Heidelberg et dans les villes environnantes. Lorsque à la fin de la guerre, il a compris que la Lettonie ne recouvrerait pas son indépendance, il a décidé d’émigrer aux États-Unis. Finalement, Nikitis a été naturalisé américain mais il a dû donner une nouvelle orientation à sa carrière en créant des écoles de gymnastique et de danse. Sa persévérance, sa capacité d’adaptation, son courage l’ont aidé à survivre et reconstruire sa vie d’après-guerre.
Auteure: Pauliina Räsänen
Source: Nikitins Rodion: Of Flight and Freedom. Hand Voltage Publications. Seattle 1987.
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